dimanche, décembre 07, 2014

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La révolution des pinceaux de Busquet & Mejan

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Paris, une vieille France alternative, époque Charles Dumas, avec tutu rose, collants et barbiche. Ambiance cape & épée. Direction la commedia dell’arte. Rideau !

Philippe et Gaston sont deux gars sympas qui travaillent dans le monde bariolé de la bande dessinée. L’un est nègre pour une série à succès « Le vengeur écarlate », l’autre travaille dans le monde de l’édition, mais tous deux sont logés à la même enseigne : fauchés, mal payés, exploités et pressés comme des citrons par leurs employeurs qui ne pensent qu’à maximiser leurs gains (et qui ne voient que l’aspect pécuniaire). Ils survivent uniquement grâce à leur amour invétéré pour l’art crayonné et leurs passions pour celui-ci.

Évidemment, malgré ce contexte assez contemporain et d’actualité, certains résistent et s’expriment à leur manière ; comme Dominique, caricaturiste notoire et populaire, qui dénonce à coup de dessins acerbes et pimentés, cette oppression et le dictat ; d’ailleurs il n’y va vraiment pas avec le dos de la truelle envers ses détracteurs.

Et il en payera d’ailleurs le prix fort car malheur à ceux qui se rebellent ou s’écartent du droit chemin dicté par les éditeurs… Tout a un prix, même l’encre.

Sous pression, la famine gronde et le petit monde du dessin illustré sent la moutarde lui monter au nez… Vont-ils se révolter ? Une seule chose est sûre ; la révolution gronde !!! Alors affutez vos pinceaux, fourbissez vos pointes, le duel d’encre et de sang va commencer.

Sous ses 88 pages et sa belle couverture rigide, Pere Mejan & Josep Busquet, duo ibérique et auteurs de l’excellent « Puntos de Experiencias » récidive ici avec « La révolution des pinceaux » sorti aux éditions DIABOLO EDITIONS… Et là je vois vos regards ébahis en vous disant : « Oh, un bouquin en espagnol ! Courage fuyons ! » Eh bien non, car celui-ci est bien dans la langue de Voltaire et ça, c’est complètement nouveau pour cette maison d’édition pure paella qui s’est donné pour mission de promouvoir la bande dessinée espagnole en terre saxonne. « Diantre !!! » me direz-vous. Une mission bien louable car attaquer le marché francophone avec un sujet aussi « chaud » que celui traité dans ce récit est assez couillu comme entrée en matière.

Les auteurs, afin de conter leur histoire, ont achalandé le tout comme une gigantesque pièce de théâtre ; mais personne n’est dupe car sous ses petits airs enfantins, cette bande dessinée aborde courageusement le malaise que beaucoup d’auteurs d’aujourd’hui subissent. Et même si le conflit est placé en pleine époque de Louis XIV mitonné Mai 68, personne n’est dupe ; c’est bien un pamphlet contre les pratiques capitalistes dictées par certaines maisons d’édition que l’on nous propose ici.
Au fil des pages, on nous dévoile l’envers du décor et l’on découvre avec ébahissement une ambiance lourde et ironique. Les maisons d’édition sont clairement présentées comme des royalistes, de vieux conservateurs qui étouffent l’art afin de le « standardiser », le censurer, et au final le sacrifier en tant qu’expression sur l’autel du profit (sic !).

Autant dire que le message est louable et le fait de replacer l’histoire chez M&Ms (Molière et Molaire) permet de dédramatiser l’histoire et rend le récit plus théâtral et accessible. Le sujet n’en est pas moins noir de café dans cette lutte des classes entre les partisans de la révolution et les « royalistes » au détriment de l’individu ; d’autant plus que la crédulité des auteurs est aussi sincère que naïve dans un monde où l’on ne fait que rarement ce que l’on a envie, et encore moins du côté artistique.

Le trait de Pere Mejan s’acclimate sans difficulté dans cette étrange époque et a un certain charme ; il insuffle un souffle inspiré aux différents personnages grâce à de petites touches sarcastiques et tragiques parcimonieusement dosées. On sent vraiment un trait dynamique même si le style graphique si caractéristique du dessinateur (mélange de gribouillis contrôlé ^^) risque de faire déchanter certains lecteurs.

Tous cela est bien gentil mais je sens que vous attendez que je vous donne mon avis sur le livre, alors crevons l’abcès : est-ce que c’est bien ? Est-ce que le bouquin en vaut la peine ? Eh bien, les amis, j’avoue que c’est assez moyen en fait. Autant le fond est bon, le dessin aussi est bon… mais alors où est la couille ? Dans le potage pardi !
Le fait de placer le récit dans une période Louis XIV fait que la sauce a du mal à prendre et j’ai vraiment eu toutes les peines du monde à y rentrer et j’ai sûrement dû y perdre quelques pinceaux au passage.

À peine remis de mes courbatures et si d’aventure vous aussi survivez à cette étape, vous arriverez à la plus grosse écuelle du livre… sa traduction ! Une bonne traduction est super importante et notamment avec les tournures de phrase. Malheureusement celle-ci bat des pieds et souffre d’une retranscription beaucoup trop littéraire, qui fait que les gags et private jokes tombent dans l’abime de l’oubli ; l’on sent même lors de certains passages, que l’on passe à côté de quelque chose. Du coup l’on se retrouve circonspect avec un book qui a un petit air d’inachevé.

En deux mots, « la révolution des pinceaux » ne sera pas, à mon sens, une révolution sur nos terres, mais plutôt destinée spécialement aux aficionados des auteurs émérites, de leurs détracteurs et évidemment à tous ceux sensibles à ce sujet.

Scaramouche, sauve-toi si tu le peux !












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